Fatwa n° 918

Catégorie : Fatwas relatives à la Famille - L'acte de mariage - Les droits conjugaux - Droits conjugaux communs

Le jugement relatif à l’adoption et ses effets

Question :

Un couple marié avait adopté une fille issue des enfants pris en charge par l’Etat. Le couple l’avait inscrite sur leur registre familial de l’état civil. Un homme, qui connaît la situation de cette fille, qui est désormais mature, s’est présenté pour la demander en mariage. Nous voulons de votre part, et dans la mesure du possible, une explication détaillée des points suivants : est-il permis de se marier avec cette fille apparentée à ce couple par adoption ? La fille et le couple doivent-ils se désavouer de cette adoption ? Est-il suffisant, pour qu’une repentance soit valide vis-à-vis de cette adoption, qu’ils (la fille et le couple adoptif) s’en désavouent au fond d’eux-mêmes et devant le commun des gens ? Ou doivent-ils exiger son annulation devant les autorités compétentes ? [comment faire] dans le cas où la fille accepte l’annulation de cette adoption auprès des autorités compétentes, alors que le couple objecte qu’il aime cette fille en la considérant comme leur enfant et refuse le concept de l’adoption, et ils (ses parents adoptifs) étaient obligés de l’inscrire sur le livret de famille à cause des lois requises de l’adoption et/ou de la bureaucratie des tribunaux ? Nous demandons à Allâh de vous accorder une meilleure récom­pense et qu’Il vous bénisse.

Réponse :

Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :

Il n’est pas valide qu’une personne attribue son lignage à une autre par adoption. L’adoption était pratiquée pen­dant l’ère préislamique et au début de l’Islam et impliquait la véritable affiliation de l’enfant adopté ainsi que les autres effets qui en découlent.

Néanmoins, l’Islam a abrogé l’adoption et annulé tous ses effets. Ceci est cité dans le verset dans lequel Allâh عزَّ وجلَّ dit :

﴿ مَّا جَعَلَ ٱللَّهُ لِرَجُلٖ مِّن قَلۡبَيۡنِ فِي جَوۡفِهِۦۚ وَمَا جَعَلَ أَزۡوَٰجَكُمُ ٱلَّٰٓـِٔي تُظَٰهِرُونَ مِنۡهُنَّ أُمَّهَٰتِكُمۡۚ وَمَا جَعَلَ أَدۡعِيَآءَكُمۡ أَبۡنَآءَكُمۡۚ ذَٰلِكُمۡ قَوۡلُكُم بِأَفۡوَٰهِكُمۡۖ وَٱللَّهُ يَقُولُ ٱلۡحَقَّ وَهُوَ يَهۡدِي ٱلسَّبِيلَ ٤[الأحزاب].

Sens du verset :

Allâh n’a pas placé à l’homme deux cœurs dans sa poitrine. Il n’a point assimilé à vos mères vos épouses [à qui vous dites en les répudiant] : “Tu es [aussi illicite] pour moi que le dos de ma mère(1).” Il n’a point fait de vos enfants adoptifs vos propres enfants. Ce sont des pro­pos [qui sortent] de votre bouche. Mais Allâh dit la vérité et c’est Lui qui met [l’homme] dans la bonne direction. ﴿ [s. Al-Ahzâb (les Coalisés) : v. 4]

En effet, les paroles ne changent nullement les faits et les vérités : elles ne font pas de l’enfant adoptif un vérita­ble enfant, de l’étranger un proche ou un natif. Donc, on doit attribuer l’enfant adoptif à son véritable père si on le connaît. S’il n’est pas possible de connaître son père, on le considère comme étant un frère en religion et un allié, car il y a, certes, dans la fraternité religieuse et l’allégeance ce qui remplace la parenté, Allâh – Élevé et Glorifié soit-Il – dit :

﴿ٱدۡعُوهُمۡ لِأٓبَآئِهِمۡ هُوَ أَقۡسَطُ عِندَ ٱللَّهِۚ فَإِن لَّمۡ تَعۡلَمُوٓاْ ءَابَآءَهُمۡ فَإِخۡوَٰنُكُمۡ فِي ٱلدِّينِ وَمَوَٰلِيكُمۡۚ وَلَيۡسَ عَلَيۡكُمۡ جُنَاحٞ فِيمَآ أَخۡطَأۡتُم بِهِۦ وَلَٰكِن مَّا تَعَمَّدَتۡ قُلُوبُكُمۡۚ وَكَانَ ٱللَّهُ غَفُورٗا رَّحِيمًا ٥[الأحزاب].

Sens du verset :

Appelez-les du nom de leurs pères : c’est plus équi­table devant Allâh. Mais si vous ne connaissez pas leurs pères, alors considérez-les comme vos frères en religion ou vos alliés. Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais [vous serez blâmés pour] ce que vos cœurs font délibérément. Allâh, cependant, est Pardonneur et Miséricordieux(2).﴿ [s. Al-Ahzâb (les Coalisés) : v. 5]

Cela dit, bien que l’Islam interdise l’adoption et l’an­nule, il n’empêche pas les gens qui sont capables de prendre en charge, d’éduquer et d’être bienfaisants envers les or­phelins, les enfants trouvés ou ceux dont la filiation est inconnue. Plutôt, il recommande de les prendre en charge de manière à améliorer leur situation : en entretenant leur corps et en les instruisant religieusement et moralement jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes et matures. Et toute personne faisant cela sera récompensée.

Cependant, il n’est pas permis à une personne qui prend un enfant en charge de lui accorder son nom de famille, quelle que soit l’excuse avancée, et même s’il joint à l’excuse [le besoin de l’enfant] à la miséricorde, à la tendresse et à l’éducation ; ou pour satisfaire l’instinct paternel et maternel dans le cas où le père ou la mère serait stérile. Donc, toutes ces raisons ou autres ne peuvent faire de l’enfant adoptif un rejeton authentique.

De plus, l’adoption n’implique pas les jugements rela­tifs à la véritable filiation, et ce, à cause des mauvais effets qui en résultent, en l’occurrence le mensonge, la fausseté, le mélange et la confusion en lignages et l’altération de la division en héritage de manière à priver le méritant et à favoriser ceux qui ne le méritent pas. Parmi, également, les effets néfastes qui en résultent, le fait de rendre licite ce qui est illicite, par exemple se retrouver en mixité, se dévoiler devant eux ou être dans des situations similaires qui touchent l’honneur, et l’interdiction du licite tel que [l’interdiction] du mariage du fils avec la fille adoptive ou vice versa, ainsi que le dépassement des autres restrictions établies par la charia ou des choses qu’Allâh – Élevé et Glorifié soit-Il – interdit.

Par ailleurs, et dans le contexte de la considération de l’enfant étranger adoptif comme un enfant biologique et son attribution à une personne autre que son père ou ses maîtres, on trouve les paroles du Messager صلَّى الله عليه وسلَّم mettant en garde contre ce péché majeur, reniant le mensonge et la fausseté et interdisant la transgression des restrictions as­signées par Allâh. Le Messager صلَّى الله عليه وسلَّم dit : « Celui qui prétend être issu d’un autre père que le sien, en le sachant, le pa­radis lui sera interdit(3) Le Messager صلَّى الله عليه وسلَّم dit aussi : « Tout homme qui prétend sciemment être issu d’un autre père que le sien, relève de la mécréance [mineure](4)Dans un autre hadith : « Celui qui s’attribue un lignage autre que celui de son père ou se donne une appartenance autre que celle de ses maîtres, encourra la malédiction d’Allâh de manière continue jusqu’au Jour de la Résurrection.»(5) Et il dit : « Celui qui s’attribue un lignage autre que celui de son père ou se donne une appartenance autre que celle de ses maîtres, encourra la malédiction d’Allâh, de Ses anges et de tous les gens. Allâh n’acceptera de sa part ni repen­tance ni rançon.»(6)

Cela dit, on doit changer le nom que la fille porte par adoption. On doit lui attribuer son originel et véritable nom. Cela se fait en recourant aux registres officiels de garde et d’orphelinat. Ainsi, si elle est une orpheline, ayant perdu son père, on l’attribue à son père. Si elle est issue d’une fornication, on l’attribuera à sa mère qui l’aura accouchée. En outre, le parent adoptif doit s’efforcer de corriger son erreur autant que possible. S’il ne peut le faire, à cause des empêchements judiciaires ou pour des raisons admi­nistratives, il doit choisir un nom qui lui convient, tel que : Amatou-Llâh (la servante d’Allâh) ou Amatou-r-Rahmâne (la servante du Miséricordieux) ou autre.

Quant à la fille, elle doit renier son appartenance au parent adoptif, tout en reconnaissant le bien et les faveurs qu’il lui avait faits. De son côté, également, le parent adoptif doit renier l’attribution de cette fille à lui, et doit se repentir de son acte s’il savait le jugement porté sur l’adoption et a commis quand même cet interdit. En effet, Allâh accepte la repentance de ses serviteurs. Il le Très-Haut dit :

﴿قُلۡ يَٰعِبَادِيَ ٱلَّذِينَ أَسۡرَفُواْ عَلَىٰٓ أَنفُسِهِمۡ لَا تَقۡنَطُواْ مِن رَّحۡمَةِ ٱللَّهِۚ إِنَّ ٱللَّهَ يَغۡفِرُ ٱلذُّنُوبَ جَمِيعًاۚ إِنَّهُۥ هُوَ ٱلۡغَفُورُ ٱلرَّحِيمُ ٥٣[الزمر].

Sens du verset :

Dis : Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la misé­ricorde d’Allâh. Car Allâh pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très-Miséricordieux. ﴿ [s. Az-Zoumar (les Groupes) : v. 53]

Du reste, il est permis de l’épouser. Le gouvernant ou celui qui prendrait sa place sera son tuteur. Si cela ne peut se faire, on recourt à un imam officiel ; sinon le parent adoptif peut la marier (au prétendant), tout en observant les autres conditions de l’acte de mariage.

Le savoir parfait appartient à Allâh سبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

 

Alger, le 28 de Djoumâda Al-Oûlâ 1429 H,

correspondant au 3 juin 2008 G.

 



(1) «Le dos de ma mère» : l’une des formules [qui exprime le] divorce chez le bédouin arabe. (NDT).

(2) Appelez-les : les enfants adoptifs. Ce verset fut révélé à propos de Zayd ibn Hâritha qui vivait sous le toit du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم comme son propre enfant et qu’on appelait Zayd ibn Mouhammad. Ce verset et ce qui le précède rendent inopérante l’adoption et le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم fut le premier à l’appliquer à l’égard de Zayd.

(3) Rapporté par : Al-Boukhâri (4326) et Mouslim (63), d’après Sa‘d ibn Abî Waqqâs et Aboû Bakra رضي الله عنهما.

(4) Rapporté par : Al-Boukhâri (3508) et Mouslim (61), d’après Aboû Dhar رضي الله عنه.

(5) Rapporté par Aboû Dâwoûd (5115), d’après Anas رضي الله عنه. Ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (5987).

(6) Rapporté par Mouslim (1370), d’après ‘Alî ibn Abî Tâlib رضي الله عنه.

(7) Cf. : An-Nihâya d’Ibn Al-Athîr (3/24).

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