Fatwa n° 1065
Catégorie : Fatwas relatives au jeûne – Ce qui annule le jeûne

Le jugement de la médisance
et du commérage commis par le jeûneur

 

Question :
Est-ce que la médisance et le commérage des gens les uns sur les autres annulent le jeûne ? Si la réponse est non, alors que vaut la parole de celui qui avance que cela annule le jeûne en utilisant comme argument la parole du Prophète
صلَّى الله عليه وسلَّم : «Celui qui n’abandonne pas le faux témoignage et sa mise en pratique ; et ne fait pas preuve d’indulgence, Allâh n’a nul besoin qu’il se prive de boire et de manger.»(1) ? Qu’Allâh vous récompense.

 

Réponse :

Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :

            Le jeûne est une adoration vouée à Allâh par le fait de s’abstenir, physiquement, de tout ce qui rompt le jeûne de l’aube véridique jusqu’au coucher du soleil. Cela est suivi par la retenue morale de ne pas prononcer des paroles interdites ou détestées, telles que les paroles incongrues et inutiles, la vulgarité, le fait de crier et de dire du mensonge, la médisance, le commérage des gens les uns sur les autres, le faux témoignage, l’injure, l'insulte, l'ignorance qui est ici le contraire de la sagesse et qui consiste à parler vulgairement en prononçant des paroles indignes, et toute sorte de mauvaises paroles. Bien sûr, préserver sa langue de ce genre d'interdits en toute situation et en tout instant est obligatoire, mais l'interdiction de les commettre est plus grande et plus grave encore dans le cas du jeûneur, surtout dans une période aussi noble que le Ramadân ou dans un espace tel que les Lieux sacrés. Aboû Hourayraرضي الله عنه  rapporte que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : « Celui qui n’abandonne pas le faux témoignage, sa mise en pratique et ne fait pas preuve  d’indulgence, Allâh n’a nul besoin qu’il se prive de boire et de manger. » As-San‘ânî رحمه الله  a dit : “Le hadith prouve l’interdiction du mensonge et sa pratique tout autant que la stupidité est aussi interdite au jeûneur. Tous les deux sont interdits, également, à celui qui ne jeûne pas, mais leur interdiction dans le cas du jeûneur est encore plus affirmée, tout autant que l'interdiction de la fornication par une personne âgée et de l'orgueil de la part d'un indigent.”(2) Ce sens englobe aussi celui de préserver la langue de toute mauvaise parole, ce qui est également contenu dans la parole suivante du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم : « Celui qui croit en Allâh et au Jour dernier, qu'il dise du bien ou qu'il se taise »(3), et son dire aussi « Lorsque l'un d’entre vous jeûne, qu’il ne profère pas des propos obscènes et qu’il ne crie pas ; si quelqu’un vient à s’en prendre à lui oralement ou physiquement, qu’il dise : “Je jeûne.” »(4)

            Ainsi, le jeûne accompli consiste à adorer Allâh par une retenue physique et morale, et ce qui annule le jeûne est l'ensemble des facteurs matériels qui annulent le jeûne stipulés par la Charia comme le fait de manger, de boire, d’avoir un rapport sexuel, de se faire vomir, l'écoulement du sang des règles ou des lochies et autres. Le fait de prononcer de mauvaises paroles prohibées ou détestées qui ne n’en fait pas partie mais diminue la récompense pour le jeûneur, ce qui entraîne un jeûne incomplet.

            Aussi, rien dans le précédent hadith d'Aboû Hourayraرضي الله عنه  n’indique que le jeûne de celui qui tombe dans les méfaits de la langue n’est pas valable. Ce qu’il exprime, c’est surtout la gravité de dire du mal et d’avoir un mauvais comportement pendant le jeûne comme il montre que “le jeûne complet et son mérite recherché ne sont atteints que si l'on protège le jeûne des paroles inutiles et basses(5). Il ne faut pas prendre en compte ce que l'on pourrait comprendre de la parole du Prophète  صلَّى الله عليه وسلَّم : “Allâh n'a nullement besoin qu’il renonce à sa nourriture et à sa boisson”, car Allâh n'a besoin ni des œuvres ni de l'obéissance de qui que ce soit et Il se passe, certes, de toutes les créatures et de leurs œuvres.

            En conclusion, le but pour lequel le jeûne a été prescrit n'est pas le simple fait de se retenir de ce qui rompt le jeûne et de ressentir la faim et la soif. Son but est, plutôt, de se retenir de faire tout ce qu'Allâh a interdit physiquement et moralement afin de purifier son âme et de corriger son comportement et son caractère.

            Ce qui confirme que le jeûne de celui qui fait acte de médisance n'est pas invalide est confirmé par l'avis de la grande majorité des savants, au point qu’Ibn Qoudâma, qu’Allâh lui fasse miséricorde, a rapporté l'unanimité sur la validité de son jeûne, en disant : “La médisance n’annule pas le jeûne du jeûneur à l'unanimité et il est, donc, incorrect de donner au hadith une interprétation qui contredit l'unanimité.”(6)

            Je dis : il est vrai que l'imam Al-Awzâ‘î a contredit cet avis en disant : “Le jeûne est annulé par la médisance et il incombe de le rattraper(7), mais la déficience de son avis apparaît dans la fébrilité de son argument. En effet, il se base sur le hadith : “Cinq choses rompent le jeûne du jeûneur : la médisance, le commérage des gens les uns sur les autres, le mensonge, l’embrassade et le faux serment.”(8) Le hadith, du point de vue de sa chaîne, n'est pas assez solide pour servir d'argument, tout en considérant qu'il est sujet à interprétation. An-Nawawî رحمه الله a dit : “C'est un hadith infondé et qu'on ne peut présenter comme argument, et Al Mâwardi, Al Moutawalli et d'autres ont répondu à ce hadith en disant qu'il exprime l'annulation de la récompense et non du jeûne en lui-même.”(9)

                Le savoir parfait appartient à Allâhسبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

 

Alger, le 21 de Cha‘bân 1431 H,
correspondant au 2 août 2010 G.

 


(1)    Rapporté par Al-Boukhârî (6057), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(2)   Souboul As-Salâm d’As-San‘ânî (2/320).

(3)   Rapporté par : Al-Boukhârî (6018) et Mouslim (47), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(4)    Rapporté par : Al-Boukhârî (1904) et Mouslim (1151), d'après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(5)    Al-Madjmoû‘ d’An-Nawawî (6/356).

(6)    Al-Moughnî d’Ibn Qoudâmâ (3/104).

(7)    Al-Madjmoû‘ d’An-Nawawî (6/356).

(8)    Az-Zayla‘î a dit dans Nasb Ar-Râya (2/483) : « Ibn Al-Djawzî l'a rapporté dans Al-Mawdoû‘ât d'après Anbasa … et a dit : c'est un hadith mawdoû‘ [inventé] ; Ibn Ma‘îne a dit: “Sa‘îd est un menteur et les rapporteurs de Sa‘îd à Anas sont tous critiqués” ; Ibn Abi Hâtim a dit dans Kitâb Al ‘ilal : “J'ai interrogé mon père au sujet d'un hadith qu'a rapporté Baqiyya d'après Mouhammad Ibn al Hadjdjâdj, d'après Maysara ibn 'Abdi Rabbih, d'après Djâbân, d'après Anas, selon qui le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : “Cinq choses annulent le jeûne du jeûneur... Mon père dit : “Ceci est un mensonge et Maysara inventait des hadiths.” »

(9)    Al-Madjmoû‘ d’An-Nawawî (6/356).

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